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La commune de Pissila est l’une des onze (11) communes de la province du Sanmatenga située dans la région du Centre-nord au Burkina Faso. Comme toutes les localités rurales du pays, dans cette commune, l’activité agro-pastorale y est dominante avec un fort potentiel du cheptel notamment les bovins, ovins et caprins. C’est dans ce contexte que le marché à bétail a été construit en 2007 avec l’appui des partenaires financiers.

Cette infrastructure marchande placée sous la tutelle administrative de la mairie, est gérée par un comité de gestion accompagné par l’Union Départementale des Professionnels de la Filière Elevage-Bétail-Viande de Pissila. Le marché à bétail se présente alors comme un lieu d’échange par excellence. La majorité des acteurs économiques qui y interviennent relève du secteur informel. Un secteur classé dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. L’objectif du présent écrit est double. D’abord, décrire le processus d’achat, de vente et de revente des animaux. Ensuite, montrer comment la variation du prix de certains animaux est fonction des représentations sociales des populations.

Ce marché met en relation plusieurs acteurs de la chaîne d’écoulement des animaux. Ces acteurs se regroupent en trois catégories : les vendeurs, les intermédiaires, les acheteurs.
La première catégorie de personnes concerne ceux qui viennent au marché avec les animaux qu’ils veulent vendre. Soit ces animaux ont été élevés par leurs propriétaires qui viennent les vendre eux-mêmes. Soit les gens se sont déplacés aller les payer dans les marchés du Sahel notamment à Dori, Markoye, Tinakof, Déou et Gorom-Gorom. Dans ce cas, ils reviennent les revendre à Pissila.

Les intermédiaires sont ceux qui n’ont pas les moyens financiers pour acheter et revendre mais qui usent de techniques commerciales pour « payer verbalement » et revendre avec éventuellement une plus-value. Certains se déploient matinalement sur les grands axes routiers menant au marché en vue de marchander avec les propriétaires et de convoyer les animaux au marché. D’autres restent sur place au marché attendant leurs clients. Une fois que le marché est conclu entre les propriétaires/vendeurs et les intermédiaires, ces derniers entament la seconde étape qui consiste à revendre ces animaux aux acheteurs venus pour la plupart de Kaya, Pouytenga, Ouagadougou ou encore du Ghana.

Ces acheteurs peuvent payer soit au comptant, soit à crédit en fonction du contrat qui aurait été arrêté. Ces acheteurs viennent avec des camions (3 à 4 camions) par jour de marché pour les transporter. Toutefois, certains acheteurs locaux paient les animaux en quantité pour les revendre en Côte d’Ivoire ou au Nigéria.

Ces transactions laissent apparaitre un véritable processus de négociation des contrats. Les intermédiaires sont les maîtres d’œuvre de ces négociations. Ils discutent en amont avec les propriétaires/vendeurs et en aval avec les acheteurs. Les closes verbales qu’ils concluent avec les vendeurs sont temporaires et non exécutoires. C’est dire que le prix arrêté avec le vendeur peut être revu à la baisse si le marché que l’intermédiaire compte conclure avec l’acheteur est infructueux. Dans ce cas, l’intermédiaire interpelle le vendeur (propriétaire de l’animal) et lui fait le point.
Ensemble, les deux parties peuvent convenir d’un nouveau prix plus bas afin que l’animal puisse être vendu. Dans le cas contraire, le propriétaire de l’animal le retire pour soit le vendre lui-même, soit de le confier à un autre intermédiaire ou répartir à la maison pour attendre un autre jour de marché. Les intermédiaires gagnent entre 1000 FCFA à 5000 FCFA en général par animal vendu. Ces démarches sont beaucoup plus fréquentes et perceptibles au niveau du commerce des petits ruminants.

Aussi, au cours des différentes transactions des frais sont perçus et constituent ce qu’on appelle en langue locale mooré « Laada ». Il s’agit d’une somme versée à la personne qui assiste comme témoin à la vente de l’animal. Ce procédé est institué pour qu’en cas de problème lié à la vente ou à l’achat d’un animal, cet individu puisse témoigner et contribuer à la résolution de ce problème. Cette somme est de 2000 FCFA que l’acheteur verse au témoin pour l’achat d’un bœuf, de 500 FCFA pour celui d’un mouton et 250 FCFA par tête de chèvre achetée.

En moyenne on dénombre par jour de marché près de 200 têtes de bœufs et environs 1500 à 2000 petits ruminants (ovins et caprins) avec des périodes de fortes concentrations situées à l’approche des fêtes traditionnelles et musulmanes (Ramadan et Tabaski). En effet, pendant ces périodes, la demande est forte car il est de coutume que lors des fêtes traditionnelles notamment le « Kiougou », les familles égorgent des bœufs pour la circonstance. Ainsi, la demande étant forte, les prix augmentent surtout ceux des vaches. C’est le type d’animaux préférés en ces moments. Il en est de même à l’orée de la tabaski où les béliers sont prisés. Ce qui induit une hausse des prix.

Mais au-delà, le prix de certains animaux est fonction de certaines considérations psycho-sociales. Le pelage joue à certains égards sur le prix. Un mouton ou une chèvre dont le pelage au niveau des yeux est tacheté d’une couleur, est considéré comme porte malheur. Les taches noires symbolisent les larmes et quiconque aime élever ces genres d’animaux court le risque de se retrouver dans des circonstances difficiles notamment la perte d’un membre de la famille.

Ce qui fait qu’à corpulence égale, ces types d’animaux sont beaucoup défavorisés à l’achat. Souvent, ils ne trouvent même pas de preneur et le vendeur est obligé de les ramener à plusieurs reprises au marché. Il en est de même pour les animaux dont le pelage au niveau de la queue est différent du reste du corps. Ces types d’animaux attirent la pauvreté. Toute personne qui aime les acheter pour revendre ou qui les élève régulièrement finit dans la pauvreté. La couleur du postérieur de l’animal symbolise la position assise par comparaison à l’homme qui s’assoit. Or la position assise traduit l’inactivité, la passivité. Donc l’éleveur ou le vendeur qui s’adonne au commerce de ces types d’animaux qualifiés de « ziitenga », est amené à voir son entreprise s’écrouler. Ce qui fait que la vente et le prix de ces bêtes dépendent fortement de ces représentations sociales.

Ensuite, les animaux tout noirs n’échappent pas à ses types de représentations. Ils sont considérés comme des génies ; à tel enseigne que même les bouchers n’en veulent pas égorger. Rares sont ces bouchers qui peuvent les tuer sans problème, entend-on dire. Les vendeurs expliquent qu’à corpulence égale entre les animaux dits « normaux » et ceux énumérés plus haut, la différence de prix varie entre 10 000 FCFA et 15 000 FCA pour les petits ruminants et entre 50 000 FCFA à 70 000 FCFA pour les ruminants de taille.

Le marché à bétail de Pissila se présente ainsi comme un lieu où l’offre et la demande en animaux vivants se croisent. Les échanges ont la particularité de mettre en évidence le travail d’un groupe de personnes qui ne disposent pas suffisamment de moyens financiers mais arrivent à tirer leur épingle grâce à leur rôle d’intermédiation entre vendeurs et acheteurs. Leur technique consiste à négocier le prix aussi bien du côté des vendeurs que de celui des acheteurs. Un prix qui est d’ailleurs fonction, par moments et pour certains animaux, des représentations sociales de la localité.

Il s’avère donc important que les entreprises ESS s’inspirent de la pratique traditionnelle dans certains domaines si elles veulent véritablement explorer les rouages du marché et en tirer profit.

Personnes Ressources contactées :

  • OUEDRAOGO Moussa, Président de l’union Départementale des Professionnels de la Filière Bétail-Viande de Pissila. Contact : 70 04 10 41/ 76 49 20 77
  • NABALOUM Adama, Président du Comité de Gestion du Marché à bétail de Pissila. Contact : 76 00 79 16.
  • OUEDRAOGO Salfo, Commerçant de petits ruminants. Contact : 61 31 25 59/ 76 6073 59/78 58 79 27

Sibiri Franck Emmanuel OUEDRAOGO
Yam Pukri

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