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Gouverner un monde complexe
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A tous les niveaux – du Conseil de
sécurité et de l’OMC (Organisation
mondiale du commerce) aux gouver-
nements nationaux, en passant par
l’Union européenne – notre époque
traverse une grave crise de gouver-
nance. La paralysie frappe de mul-
tiples instances décisionnelles. Un
phénomène aussi général appelle la
recherche d’une cause commune dont
on peut penser qu’elle se situe dans la
mutation qui bouleverse nos sociétés
et provoque un décalage croissant
entre des institutions fondées sur la
logique d’un monde qui disparaît et
les impératifs d’un univers qui s’ap-
plique à naître.
L’organisation des sociétés hu-
maines a toujours reflété les concep-
tions d’une époque : la cité idéale de
Platon entendait reproduire, au niveau
du microcosme terrestre, la grande
harmonie du macrocosme universel ;
le village médiéval se serrait autour de
l’Église dont le clocher – pointé vers
le Ciel - dominait l’espace et scandait
les occupations humaines ; avec la
première révolution industrielle, c’est
la cloche de l’usine qui rythmait le
temps et le territoire se découpait en
circonscriptions emboîtées et hiérar-
chisées conformément aux lois de la
mécanique ; à partir du XVIII° siècle,
l’émergence des énergies fossiles im-
posait la concentration des moyens
de financement qui entraînait celle
des organisations productives et des
institutions chargées de les contrôler.
Mais les adaptations n’ont jamais été
instantanées et chacune d’elles s’est
accompagnée d’une période de flotte-
ments et de contradictions.
Depuis le début des années 1970,
les premières crises du pétrole, et la
vulgarisation du microprocesseur,
marquent le déplacement des forces
motrices de l’évolution socioécono-
mique, du champ de l’énergie vers
celui de l’immatériel, c’est-à-dire
l’information et l’univers mental. Le
modèle n’est plus la machine, mais le
vivant1 dont le biologiste Henri Labo-
rit résume en quelques lignes le mode
d’organisation et de fonctionnement.
« Un organisme, dit-il, est constitué
de structures possédant une finalité
fonctionnelle qui, par niveaux d’or-
ganisation, concourent à la finalité de
l’ensemble, finalité qui paraît être ce
que l’on peut appeler la survie de cet
organisme et qui résulte du maintien
de sa structure complexe, dans un
milieu qui l’est moins (…) Cette notion
nous amène à considérer que la finali-
té de chaque élément, de chaque sous-
ensemble ou partie d’un organisme
vivant, concourt à la finalité de cet
organisme, mais qu’en rétroaction, le
maintien de sa structure d’ensemble,
finalité de cet organisme, assure la
finalité de chacun de ces éléments, et
1
La revue du Réseau international pour une Économie humaine
www.lebret-irfed.org
N°415
année 2013
Gouverner un monde
complexe
Par René Passet
René Passet est économiste spécialiste du développement et professeur émérite
à la Sorbonne. Ancien président du Conseil scientifique de l’association Attac,
il est considéré comme l’un des spécialistes des nouvelles approches dites
complexes ou transdisciplinaires.
Dernière publication : La bioéconomie de la dernière chance, Les Liens qui
Libèrent, 2012, 150 p.
Éditorial
LA COMPLEXITÉ APPELLE LA
COOPÉRATION
L’économiste René Passet nous invite
à penser la crise actuelle en prenant
du recul. Il faut renoncer à une
pensée trop simple qui fonctionne par
causalité linéaire, renoncer à réduire
l’être humain à n’être qu’un homo
economicus. L’humanité est insérée
dans la complexité d’un environnement
où tout est interdépendant. Nous voilà
en route vers une pensée systémique.
Il faut saisir les échanges entre les
parties du tout plutôt que de se limiter
à l’analyse d’une seule dimension,
fût-elle la dimension économique. Les
débats sur les moyens ne peuvent plus
être déconnectés des réflexions sur
les fins du système. Exit la neutralité
de la science économique. Les valeurs
et les finalités de la vie en société
ne peuvent plus être renvoyées à
l’intime des convictions personnelles,
à la philosophie ou à quelque arrière-
monde en dehors du débat public.
La lutte pour la vie et l’agressivité sont
certes indissociables des processus
vivants. Le darwinisme, et plus encore
le darwinisme social que n’aurait peut-
être pas avalisé Darwin lui-même, a
conféré à la compétition ses lettres de
noblesse. Mais ce n’est pas là le seul
moteur de la nature et de l’histoire.
Au-delà de la loi de la jungle, à côté
de l’agressivité et de la compétition,
le monde des vivants n’a cessé de
mettre en œuvre d’autres principes
pour les équilibrer : des comportements
coopératifs et de solidarité entre
individus. Les spécialistes de la flore
et de la faune nous disent qu’il en va
ainsi dans ces domaines du vivant.
Aux historiens et sociologues de nous
rappeler qu’il en va aussi ainsi dans le
monde des êtres humains. Aux citoyens
de mettre en œuvre ces coopérations,
ces symbioses et ces solidarités,
conditions de la survie de l’espèce
humaine.
Antoine Sondag
antoine.sondag@lebret-irfed.org
1 Pour plus de détails : René Passet, Les grandes repré-
sentations du monde et de l’économie à travers l’his-
toire, Les Liens qui Libèrent 2010, Thésaurus-Actes Sud,
2011.
2 Henri Laborit, La Nouvelle Grille, Robert Laffont, 1974.

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Développement et Civilisations - N°415 - Année 2013
donc le maintien de sa structure.2 »
Nous sommes en présence d’un vaste
système bouclé d’interdépendances
auquel participent toutes ses compo-
santes. Tout y est : l’affirmation d’une
pluralité de niveaux d’organisation
(ayant chacun ses propres finalités et
ses fonctions) à l’intérieur de systèmes
que, pour cela, on qualifiera de « com-
plexes » ; un mode d’arbitrage entre
ces différents niveaux ; un principe
de contrainte minimale impliquant
la coopération de tous au maintien de
l’existence du Tout en tant que tel, et de
chacun considéré individuellement.
1. Pluralisme : la cohabitation de
plusieurs logiques et niveaux d’orga-
nisation
Des atomes et molécules consti-
tuant la cellule, au cosmos tout entier,
une infinité de systèmes s’intègrent
en un Tout cohérent. Par rapport à
l’ensemble, chacun de ces systèmes
constitue ce que l’on appelle un ni-
veau d’organisation. Mais à la diffé-
rence de l’horloge (où les mêmes lois
de la mécanique se retrouvent à tous
les échelons), le passage d’un niveau
à l’autre s’accompagne de change-
ments qualitatifs à l’occasion desquels
émergent de nouvelles logiques. Ainsi,
de la molécule à la cellule s’accom-
plit le saut phénoménal que constitue
l’apparition de la vie ; la formation du
cerveau s’accompagne du jaillisse-
ment non moins considérable de la
pensée. Cette émergence de proprié-
tés absentes des niveaux inférieurs
interdit de réduire le Tout à la somme
de ses composantes. Il y a aussi ce que
produisent les interrelations entre
celles-ci. Chaque niveau d’organisa-
tion dépasse la somme des fonctions
de niveaux dits « inférieurs » dont il
résulte et, associé à d’autres, contri-
bue à la production de niveaux dits
« supérieurs », qui le dépassent sans
qu’il y ait aucune connotation qualita-
tive ou hiérarchique dans ces termes.
Nous sommes au contraire dans le do-
maine de l’organisation en réseaux et
de l’interdépendance. Chaque niveau
contribue, en relation avec les autres,
au bon fonctionnement du Tout. Tous
sont également indispensables : pour
faire image, c’est par la disparition des
oiseaux que, dans son livre Printemps
Silencieux en 1961, Rachel Carson an-
nonçait les menaces pesant sur les ré-
gulations de la Planète.
Ce premier principe conduit à une
société plurielle. Les intérêts particu-
liers existent et l’on aurait grand tort
de vouloir les ignorer. Mais l’on aurait
grand tort également de ne vouloir
connaître qu’eux. La rentabilité d’un
équipement collectif comme un bar-
rage, ou un moyen de communication,
ne s’exprime pas dans le court terme
à travers le compte d’exploitation de
l’unité qui en assume la gestion, mais
dans le long terme par son impact sur
le produit national ; le marché lui, ne
comptabilise que les flux monétaires
le concernant. Par ailleurs, un hôpi-
tal, un établissement d’enseignement
ne produit pas de l’avoir, mais de l’être
(physique ou mental). Au nom de quoi
ferait-on de la logique marchande le
grand régulateur de la production
d’être ? L’intérêt général ne se réduit
pas à une simple addition d’intérêts
individuels. De ce point de vue et sans
entrer dans le détail, on peut distin-
guer trois types de fonctions, délimi-
tant autant de secteurs auxquels se
raccordent l’ensemble des activités
sociales :
- des fonctions d’intérêt individuel
relatives aux activités dont les effets,
concernant essentiellement les parti-
culiers et les entreprises qui les assu-
ment, ne sont pas susceptibles de re-
mettre en cause l’intérêt général et que
l’on n’a aucune raison de ne pas confier
à l’initiative privée
- d’autres qui, par nature (biens
collectifs, santé, culture, éducation,
sécurité…) ou par l’importance des ef-
fets induits qu’elles comportent pour
l’ensemble de la collectivité (finance,
banque, armements, nanotechnolo-
gies…), relèvent de l’utilité sociale,
rejaillissent sur l’intérêt général et
doivent être assumées ou étroitement
contrôlées par la collectivité publique ;
- des fonctions de solidarité enfin,
conjuguant l’intérêt général et l’initia-
tive privée, qui sont organisées sous
forme d’associations, mutuelles ou
coopératives, de telle façon qu’elles
ne menacent en rien le jeu de l’utilité
collective ; elles représentent en elles-
mêmes la société ; l‘expérience prouve
qu’en termes d’efficacité, elles n’ont
rien à envier aux secteurs précédents.
Ces trois types d’activités ne doivent
pas être considérés isolément mais
dans leur interdépendance. C’est, en
dépit de tous les dogmatismes, sur
leur coopération et non sur le règne
exclusif de l’une d’elles qu’ont reposé
les grandes réussites économiques,
comme en témoignent, aux États-
Unis, le New Deal des années Trente
ou la Silicon Valley des années 1970,
en France, la Planification souple et les
Trente glorieuses de l’après–guerre, au
Japon, le rôle du MITI dans la percée
technologique du dernier quart du XX°
siècle.
2. Arbitrage. La prééminence du
Tout : le primat de l’intérêt général
sur les intérêts particuliers
La fable de La Fontaine nous dit ce
qu’il advient lorsque les membres en-
tendent chacun n’agir – à l’encontre
de l’estomac - que dans son intérêt
propre : « ce leur fut une erreur dont
ils se repentirent ». Si, de la cellule à
l’individu et à la biosphère, les finali-
tés de tous les sous-systèmes s’articu-
lent de façon cohérente, c’est que la
finalité fonctionnelle de la reproduc-
tion du « Tout » l’emporte sur celle des
sous-systèmes qui le constituent. Les
normes de reproduction de l’espèce
humaine et du milieu naturel consti-
tuent donc autant de contraintes à l’in-
térieur desquelles doit se maintenir le
champ de l’optimisation économique.
Cela implique le primat de l’utilité
sociale sur les intérêts individuels.
D’une part, pour des raisons iden-
tiques à celles des systèmes vivants, le
Tout social est plus que la somme des
individus qui le composent. D’autre
part, le célèbre « paradoxe de Condor-
cet » montre que les préférences indi-
viduelles ne déterminent pas néces-
sairement le choix social : si - pour
faire simple - trois amis hésitent entre
passer leur soirée au cinéma (a) au
théâtre (b) ou au concert (c), il se peut
fort bien que l’ordre de préférences de
Pierre soit a>b>c , celui de Paul b>c>a
et celui de Jacques c>a>b ; on voit bien
qu’il y a une majorité de deux contre
un pour préférer « a » à « b » , puis « b »
à « c » et cependant « c » à « a ». A ce
niveau, la question est insoluble. Des
individus au groupe, les choix ne sont
pas transitifs. L’utilité sociale d’une
collectivité ne se réduit donc pas seu-
lement à celles de ses composantes.
Ceci concerne tout particulièrement
le monde contemporain dans lequel le
sous-système financier a fini par im-
poser la suprématie de sa logique pu-
rement instrumentale à l’ensemble de
la planète. Or, un monde dans lequel
la logique de l’instrument tient lieu de
finalité marche sur la tête et devient
fou. Le sacrifice des hommes s’affirme
comme le moyen d’assurer « la bonne
marche » du système productif, mais
la bonne marche pour quoi faire s’il
ne sait produire que le malheur de
ceux qu’il devrait servir ? Quand le
seul critère de succès, justifiant tout,
est la réussite financière, quand les
repères éthiques ont disparu, au nom
de quoi pourrait-on réguler la société ?
Celle-ci se décompose et les citoyens
perdent la raison. Les uns, baissant les
bras, vont chercher refuge dans les pa-
radis artificiels ; les autres se révoltent
et cassent, pour le plaisir de « casser »

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ce monde qui les exclut ; d’autres enfin,
vont chercher dans la fausse spiritua-
lité des sectes ou des intégrismes, des
substituts douteux aux valeurs que
la société ne produit plus. En même
temps, les lignes de démarcation entre
économie « propre » et économie
« sale » s’estompent. Les opérations
de la première bénéficient des méca-
nismes de la seconde (fraude, paradis
fiscaux…), laquelle réciproquement ne
pourrait se développer sans la compé-
tence d’hommes de loi ayant pignon
sur rue, ou sans la « compréhension »
de quelques financiers peu curieux de
connaître l’origine des fonds qui leur
sont confiés.
Il faut faire appel à des valeurs trans-
cendant le seul jeu des intérêts parti-
culiers. Le primat de l’utilité sociale
implique la supériorité du politique
(qui relève des finalités et exprime le
consensus découlant de la concerta-
tion des citoyens), sur l’économique
(qui relève seulement du niveau des
moyens). Et comme les valeurs ne se
démontrent ni ne se réfutent, comme
personne ne peut prétendre détenir la
seule vérité en la matière, et que l’on
doit bon gré mal gré, vivre ensemble,
on n’a guère d’autre choix que de s’ex-
terminer ou s’accorder sur un compro-
mis en forme de projet commun. On
ne saurait trouver meilleur argument
en faveur de la démocratie.
3. Contrainte minimale : le bou-
clage du bas vers le haut et la répar-
tition du pouvoir par niveaux d’orga-
nisation
La primauté du Tout, si elle n’était
pas contrebalancée, « constituerait le
fondement d’un Etat totalitaire dans
lequel l’individu apparaîtrait comme
une cellule insignifiante dans un orga-
nisme, un travailleur sans importance
dans une ruche » déclare le père de la
théorie des systèmes Ludwig Von Ber-
talanffy3 . Les majorités elles-mêmes,
dont rien ne limite les pouvoirs, peu-
vent fort bien finir par opprimer les
minorités. Dans les systèmes com-
plexes deux phénomènes viennent
contrebalancer ce risque.
D’abord, les parties contribuent à la
reproduction et au fonctionnement du
Tout, autant que celui-ci contribue à
leur reproduction et à leur fonctionne-
ment Par ce bouclage des régulations
le Tout n’est pas un sommet d’où des-
cendraient des ordres, mais le système
lui-même, constitué par l’ensemble de
ses composantes.
En outre, la répartition du pouvoir
de décision par niveaux d’organisation
s‘effectue selon un principe que l’on
qualifiera de « contrainte minimale ».
Une centralisation qui se poursuit
sans décongestion du centre vers la
périphérie, s’achemine vers les limites
de lourdeur et d’inefficacité, au terme
desquelles se profile l’effondrement du
système. On l’a bien vu avec l’exemple
de l’Union soviétique. Le principe
semble être que toute décision devrait
être prise « au » et « par le » niveau
d’organisation où elle développe ses
conséquences ; un niveau plus élevé
implique des contraintes inutiles et
d’un niveau inférieur ne saurait jaillir
l’accomplissement des finalités d’un
niveau supérieur. Dans les systèmes
complexes autoreproducteurs que
sont les systèmes vivants, chaque ni-
veau reçoit – et envoie - très exacte-
ment toute et seulement la quantité
d’informations – c’est-à-dire d’injonc-
tions - nécessaires à la bonne marche
du système. Entre plusieurs chemine-
ments possibles, un principe d’équifi-
nalité laisse à chacun la possibilité de
choisir la voie qui lui convient pourvu
qu’elle aboutisse au résultat désiré. La
contrainte déployée à chacun de ces
niveaux, correspond donc toujours au
strict minimum indispensable. C’est là
le fondement théorique du « principe
de subsidiarité».
Un tel schéma ne devrait-il pas ins-
pirer la répartition des responsabili-
tés au sein de la communauté mon-
diale ? à celle-ci comme à la nation,
toutes – et seulement - les attributions
correspondant aux questions qui ne
sauraient être résolues à un niveau
inférieur. Il ne s’agit donc pas d’empi-
ler des strates de supranationalité en
éloignant, chaque fois davantage les
citoyens du pouvoir politique, mais
de distribuer des fonctions. La com-
mune, la nation sont les fruits de l’his-
toire. Elles doivent continuer à être
des lieux de vie et de décision. Mais
aujourd’hui, les moyens de commu-
nication font du monde un espace
où tout se vit en temps réel. Parmi les
problèmes vitaux ne pouvant être ré-
solus qu’au niveau de la communauté
mondiale, on notera l’encadrement et
la maîtrise des pouvoirs financiers in-
ternationaux qui imposent leur loi par-
dessus la souveraineté des nations ; les
atteintes globales à la biosphère ; l’aide
au développement des peuples écono-
miquement attardés ; la sécurité mon-
diale ; la gestion des « biens communs
de l’humanité » : l’air, l’eau, le climat,
le génome, les savoirs, les cultures («
patrimoine de l’humanité », disait Pas-
teur), qui, par essence appartiennent
à tous. Mais, ne nous y trompons pas :
c’est d’un intérêt commun, surplom-
bant celui des nations qu’il s’agit ici
et non d’un équilibre – le plus souvent
asymétrique - résultant de la confron-
tation d’intérêts nationaux divergents.
La concertation permanente des chefs
d’État au sein d’institutions telles que
le G20 ou le G8, - même si elle repré-
sente un progrès considérable par rap-
port à l’attitude consistant à se faire
d’abord la guerre avant de se parler sur
des monceaux de cadavres - ne relève
encore que de la confrontation d’in-
térêts nationaux. Personne n’y repré-
sente l’intérêt commun de l’humanité
au nom duquel devraient s’effectuer
les arbitrages. À ce jour, seules les Na-
tions unies, dont l’Assemblée générale
représente l’ensemble des peuples ; et
c’est en partant de cette réalité qu’il
faut repenser la gouvernance mon-
diale.
Un raisonnement identique s’ap-
plique à tous les niveaux et notam-
ment aux ensembles plurinationaux,
comme l’Union européenne dont la
tragédie est – au fil d’un processus ir-
responsable d’élargissement sans har-
monisation - d’avoir vu les rapports de
forces entre ses composantes, se subs-
tituer à l’esprit communautaire des
premiers temps.
Tout cela est-il bien réalisable ? Ne
confondons pas « grille de lecture » et
« projet ». La première se situe sur le
terrain des principes généraux desti-
nés à inspirer l’action ; le second sur
celui du réel dont il ne saurait ignorer
les imperfections. Tout comme l’étoile
polaire guide le navigateur, qui ne l’at-
teindra jamais. La réflexion sur les im-
pératifs d’un monde en évolution peut
nous aider à comprendre les difficultés
d’un présent qui résiste et à pressentir
les voies qui mènent à l’avenir. Le phi-
losophe, disait Diderot, marche la nuit,
mais il est précédé d’un flambeau.
Notre quête est seulement celle d’un
peu de lumière.
René Passet
(23 09 2013)
411 : Observer la pauvreté, par
Dominique Saint-Macary
412 : Incertitudes et espoirs en Tunisie,
par Abd el Kader Ben Khemiss
413 : Où va l’islam en Afrique de
l’Ouest ? par M.A. Pérouse de
Montclos
414 : L’économie verte en procès, par
Yves Berthelot
Derniers numéros
parus
3 Ludwig Von Bertalanffy, Théorie Générale des Sys-
tèmes, trad.fes Dunod, 1972

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Développement et Civilisations - N°415 - Année 2013
Ces initiatives sont portées par le
Réseau international pour une Écono-
mie humaine d’une part et par le Glo-
bal Centre for the Study of Sustainable
Future and Spirituality de Chennai
(Inde) d’autre part.
Un livre à paraitre en 2014
Le livre reflètera l’action de femmes
et d’hommes qui, par leurs actions de
terrain, leur engagement politique,
social, intellectuel ou spirituel, trans-
forment leurs conditions de vie ac-
tuelles et celles de leurs communau-
tés tout en préservant les chances des
générations futures.
On cherchera à comprendre com-
ment naissent les initiatives qui per-
mettent à un groupe d’hommes et de
femmes de rendre leurs vies plus hu-
maines et d’explorer les conditions qui
en permettent la multiplication. Com-
ment s’assurer que les milliers d’ini-
tiatives réussies servent d’inspiration
à d’autres ?
Ceux qui participent à l’écriture du
livre n’ont pas l’illusion de croire que
La Solution pourrait être obtenue par
une démarche institutionnelle orga-
nisée. Leurs expériences les incitent à
penser que ce sont les réactions provo-
quées au sein de populations locales
par les abus de certains acteurs po-
litico-économiques obnubilés par le
pouvoir et l’argent et par les obstacles
qu’ils mettent à tout changement
qui sont susceptibles de générer des
contre-pouvoirs. La multiplication de
ces contre-pouvoirs et leur organisa-
tion en réseaux autour de thèmes pré-
cis devraient permettre d’atteindre
le poids critique à partir duquel les
décideurs politiques concernés, lo-
caux, nationaux, ou mondiaux selon
le thème, ne peuvent plus éluder leurs
responsabilités.
Le livre abordera en particulier les
points suivants :
• l’économie humaine ne peut être
réduite à un modèle unique. S’ap-
puyant sur les expériences et les ré-
flexions de personnes de divers conti-
nents, le livre mettra en évidence
ce qu’il y a d’universel dans la quête
d’une économie humaine et ce qui est
propre à différentes cultures.
• l’économie humaine doit être
conçue comme une dynamique, elle
sera le fruit de dynamiques solidaires.
• La spiritualité, qui apporte à cha-
cun une compréhension de sa place
dans le monde, de ses liens aux autres
et à la nature, offre un sens à l’action
et un moteur plus durable que le désir
de posséder.
Le colloque de Chennai
en juillet 2014
Le titre du colloque, « Sustainable
Future and Spirituality, Moving the
Human Agenda Forward », est ambi-
tieux (Avenir durable et spiritualité :
promouvoir un agenda vraiment hu-
main). Son objet consistera à échan-
Développement et civilisations est une publication éditée depuis 1972 sous divers noms par l’association Développement et
Civilisations - Lebret-Irfed - 49, rue de la Glacière - 75013 PARIS - FRANCE - 33(0)1.47.07.10.07 - contact@lebret-irfed.org
L’association Développement et Civilisations - Lebret-Irfed anime un réseau d’acteurs de développement solidaire présents sur tous les
continents.
Directeur de la publication : Yves Berthelot - Rédacteur en chef : Antoine Sondag - Conseil de rédaction : Claude Baehrel, Yves
Berthelot, Karine Besses, Roland Colin, Isabelle Duquesne, Karine Meaux, Anouk Coqblin , Denise Sanou.
La reproduction des textes publiés est autorisée à la seule condition que soit clairement indiquée la source, avec les coordonnées
de Développement et civilisations. Un exemplaire du document reproduisant le texte doit être envoyé à l’adresse de la publication.
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ISSN 1951-0012 – Imprimerie IGC Communigraphie – St Étienne – 04 77 92 04 80 - Imprimé sur papier recyclé
Deux initiatives
pour une économie humaine
Un livre, un colloque : deux initiatives motivées par le souci du développement
de tout l’homme et de tous les hommes. Le système économique dominant n’est
pas durable, ni économiquement, ni socialement, ni écologiquement. Il nous
faut rechercher un plus être en place du plus avoir, des motivations spirituelles
en place de la recherche du profit.
ger des expériences, à amorcer un dia-
logue interculturel et à explorer des
pistes pour l’action.
Les principaux thèmes :
•  Examiner  l’approche  dominante 
du développement durable et en
évaluer l’impact sur les sociétés hu-
maines, la nature et notre avenir com-
mun.
• Reformuler les préoccupations et
questions mondiales contemporaines
dans le langage d’un futur durable et
spirituellement motivé.
• Explorer les orientations, expé-
riences et perspectives relatives à la
durabilité (en s’éloignant des points de
vue technologiques et économiques
dominants)
• Explorer, encourager et parta-
ger une logique de développement de
l’être (dans une cosmologie orientée
vers la nature) et pas seulement une
logique de la croissance de l’avoir ou
de la possession matérielle.
Des intervenants et des participants
de tous les continents sont prévus.
Un appel à contribution
Pour ces deux initiatives – livre et
colloque - un appel à contribution est
lancé. Ceux qui voudraient contribuer
par un article, un témoignage, une
réflexion au livre sur l’économie hu-
maine, ceux qui voudraient faire une
communication au colloque de Chen-
nai peuvent se faire connaitre et poser
leur candidature.
Yves Berthelot
Président du Réseau international
pour une Économie humaine
berthelotyd@wanadoo.fr