L’association WEND RAAB de Toéghin (commune rurale de la province du Kourwéogo, Région du Plateau-Central) existe depuis une quinzaine d’années et s’investie dans des activités agropastorales. Au nombre de ses activités, nous avons la recherche sur les aliments de bétail.
Situé en zone sahélienne, le grand souci cette association est de trouver une formule adéquate afin de nourrir le bétail durant la saison sèche et en même temps, être économiquement rentable.
Les membres de la structure ont commencé à expérimenter plusieurs techniques à base de produits locaux (plantes fourragères, fruits d’arbres comme l’acacia albida, le piliostigma et des herbes sauvages). Les membres sont pour la plupart alphabétisée et écrivent correctement en langues nationales (mooré). Ils ont également bénéficié de formation en gestion. Dans sa composition, l’association est mixte et les femmes sont bien impliquées dans la gestion de l’organisation. L’association possède des locaux dont un hangar pour les réunions, un atelier de fabrication des pierres et des bureaux.
La méthodologie de la recherche action établie par DIOBASS (premier partenaire technique et financier de Wend-Raab) est sur 4 axes :
Pour le cas de la fabrication des blocs multi nutritionnel ou pierre à lécher, nous avons :
1- l’identification des plantes appréciées par les animaux,
2- essai de fabrication de pierres à lécher et test d’alimentation
3- Amélioration de la qualité de la pierre et
4- diffusion valorisation de la pierre par sa commercialisation
Après plusieurs années de tâtonnement à la recherche de la meilleure formule pour alimenter leurs animaux surtout en saison sèche, Wend-Raab a pu mettre en place une presse hydraulique manuelle pour confectionner des pierres à lécher pour animaux. Ces pierres ont permis de suppléer aux déficiences nutritionnelles des animaux et de les faire prendre du poids rapidement.
Le travail s’avère cependant difficile. A titre d’exemple, avec la presse manuelle, pour obtenir une seule brique, il faut plusieurs minutes sans compter l’ « huile de coude » (force humaine).
C’est ainsi qu’avec le soutien du Fond National de la Recherche et l’Innovation pour le Développement (FONRID), l’association a pu avoir des équipements plus mécanisés (broyeur d’aliments pour bétails, mélangeur à moteur et un groupe électrogène fonctionnant au gasoil). Ce projet n’a pas abouti du fait que les bâtiments construits pour installer les équipements se sont écroulés comme des « châteaux de cartes », laissant l’initiative dans une impasse. Outre cela, le broyeur ne pouvait pas satisfaire complètement l’association qui voulait obtenir une poudre fine du mélange avant de passer à la presse. Les équipements permettaient alors de résoudre partiellement le problème.
C’est ainsi que l’association avec le soutien de DIOBASS, une ONG spécialisée dans l’accompagnement des associations à faire émerger le potentiel local, à travers la recherche appliquée a continué l’expérimentation de la composition d’aliments pour bétails. Au fil des années, avec la participation à des foires et des visites diverses, l’association a su exploiter les idées reçues de l’extérieur et a pu ainsi améliorer la composition de sa pierre à lécher jusqu’à obtenir une certification de l’INERA. Aujourd’hui, l’association maitrise parfaitement le dosage des différents ingrédients pour arriver à un produit fini de qualité.
DIOBASS dans le cadre de son projet ESS accompagne l’association depuis quelques années et souhaite que l’unité de production soit semi automatisée. Une presse de grande capacité a été alors acquise auprès d’un fabriquant local à Ouagadougou. Elle devrait permettre, à l’aide d’une source d’électricité, de produire des dizaines de blocs par jour. A comparer avec le premier équipement manuel, la production en plein régime d’un an avec la presse manuelle prendrait une semaine avec la presse semi automatisée.
L’association n’est pourtant pas sortie de l’auberge. Le système électrique pour faire sa nouvelle presse n’est pas au point. Le service national d’électricité (SONABEL) a promis venir installer le courant triphasé pour faire démarrer le système.
Le modèle économique pour assurer la rentabilité de l’installation est à étudier avec attention. Les nouveaux équipements demandent plus de technicités et de maintenance. Une formation est prévue à cet effet avant l’exploitation de l’usine de fabrication de pierres à lécher qui permet à une chaine d’intermédiaires de fonctionner.
Les fruits des arbres sauvages (acacia albida) sont ramassés par des enfants et vendus à l’association qui les concasse et les réduise en poudre avec l’aide des femmes membres de la structure.
Dans la composition de cette pierre, le soja est l’un des éléments constitutif nécessaires. Pour ce faire, Wend-Raab s’approvisionne auprès d’une autre association spécialisée du soja à Donsin (Association Song Koab ba). Enfin le mélange est effectué et dosé avant le pressage des briques.
L’association compte utiliser le revenu issu des ventes pour améliorer son système de fonctionnent et stabiliser la production et la fourniture des intrants.
Cette expérience montre qu’il n’est pas aisé de passer de l’expérimentation de la réalisation d’un produit à son exploitation commerciale à grande échelle.
Il faut résoudre les problèmes techniques, organisationnels, commerciaux et légaux. En effet, comment avoir un approvisionnent régulier en intrants à coût abordables, comment protéger son invention contre les copies et pirateries, comment assurer la maintenance des équipements, comment être compétitif avec les autres pierres à lécher importés quand on est confronté au coût énergétique assez élevé au Burkina ? C’est la résolution de toutes ces équations qui permettra à l’association de mettre en place un modèle économique durable pour la survie de l’ESS.
Dr Sylvestre OUEDRAOGO, Directeur de l’IPD-AOS
Marc Adama GUIRE, Assistant local du PA-EESSA