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1,3 millions d’associations sont actives en France. Nous sommes plus de 23 millions à nous s’engager auprès de celles-ci. Les associations occupent une place importante dans la vie des Français. Nous les fréquentons pour nos activités de loisirs, sportives ou activités culturelles, nous les rejoignons pour défendre des valeurs et des personnes démunies, participer à des actions collectives. Il nous arrive de leur faire des dons : vêtements, produits alimentaires, argent… L’une d’entre elles nous a même peut être aidé un jour, nous a accompagné dans des démarches administratives, dans notre parcours scolaire. Elles sont aujourd’hui un acteur essentiel de notre société et répondent à différents besoins qui ne font que grandir. Nous apprécions les services qu’elles peuvent rendre mais elles se font discrètes quant aux difficultés qu’elles peuvent connaître. Pourront-elles toujours faire et être ce que nous connaissons ?

Les associations occupent une place importante économiquement et socialement, elles sont à la fois acteur de la société civile et de l’économie sociale et solidaire. Elles doivent faire face à de nombreuses difficultés, notamment une raréfaction des ressources, une baisse dessubventions publiques, qui les poussent à trouver d’autres sources de financement (Archambault, 2017, Tchernonog 2007, Tchernonog et Prouteau, 2017,2019). Ainsi, elles doivent se structurer, se professionnaliser, animer des valeurs qu’elles doivent faire coexister avec des logiques économiques. Les appels à projets deviennent le mode privilégié de financement de l’action sociale, accentuant la concurrence au sein de ce secteur. Ils restructurent l’action sociale mais aussi tout le secteur d’activité, qui doit se doter de compétences pour pouvoir y avoir recours. Les associations entretiennent des relations complexes avec diverses parties prenantes et notamment leurs financeurs (Chemin, 2011). Les appels à projets sont à l’interface de la relation entre les financeurs et les associations, entrainant une relation de pouvoir entre ces acteurs. Récemment, la loi PACTE a introduit les notions de « raison d’être » et « d’entreprises à mission » permettant la présence de nouvelles sociétés commerciales au sein de l’économie sociale et solidaire. Ces entreprises et les associations se côtoient et sont même en concurrence en matière d’innovation sociale. Ainsi, les associations doivent s’adapter à leur environnement et construire leur identité au sein de celui-ci. L’ensemble de ces éléments nous amène à nous questionner sur l’identité actuelle des associations et à poser la question suivante :

Comment un outil de gestion transforme l’identité organisationnelle d’une
structure ?

Nous proposons d’associer la théorie de la régulation sociale au concept d’identité
organisationnelle. La théorie de la régulation sociale permet de discuter la place de l’outil, ici l’appel à projets dans la relation entre les associations et leurs financeurs. L’appel à projets en redéfinissant la construction de l’action sociale a une incidence sur les structures portant ces actions et notamment sur leur identité. Les associations sont dotées de plusieurs identités (Eynaud & Mourey, 2012 ; Golden-Biddle & Rao, 1997), une qui est liée à son objet, ses valeurs et une autre à son modèle économique. Nous inscrivons notre étude dans la continuité des travaux portant sur le changement d’identité organisationnelle (Abrahamsson et al., 2010 ;
Empson, 2004 ; Gioia & Thomas, 1996 ; Nag et al., 2007)
. Ainsi cette recherche se focalise sur l’introduction d’un nouvel outil en tant que source de changement, impliquant de possibles changements stratégiques et des réponses variées influençant l’identité organisationnelle.

La question de recherche a émergé en adoptant une méthodologie abductive. Tout
d’abord, nous avons identifié une « anomalie » ou « fait surprenant » (Dumez, 2012 ; Sætre & Van de Ven, 2021). Pour faire émerger ce phénomène, nous avons fait le choix d’avoir recours à l’expérience personnelle (Fisher et al., 2021), c’est-à-dire à l’appropriation d’un terrain de recherche. Cette démarche renvoie également au concept de « précompréhension » (Alvesson & Sandberg, 2022), destiné à prendre en considération les connaissances antérieures du chercheur sur un sujet. Ce constat empirique managérial a permis de constituer un point de départ inductif de la première boucle d’abduction. La deuxième boucle d’abduction est constituée d’une étude de cas, celle-ci a été réalisée auprès de 22 associations portant des actions
sociales, en ayant recours à des entretiens semi-directifs. Nous menons ainsi une recherche qualitative de nature exploratoire.

Cette recherche s’inscrit dans l’appel de Ployhart & Bartunek (2019), Aguinis et al. (2022) et Eby & Facteau (2022) de rapprocher davantage terrain de recherche et monde académique. Il s’agit de proposer une recherche susceptible d’intéresser les praticiens en travaillant sur des problèmes organisationnels significatifs. Nous nous focalisons ainsi sur un phénomène actuel qui est susceptible d’évoluer dans le temps, l’évolution identitaire des associations. Egalement, nous souhaitons confronter notre recherche aux complexités sociales, politiques et humaines de notre société actuelle (Cooper, 2014) et remettre en question des pratiques institutionnalisées et de pouvoir (Gendron, 2018). Ainsi, nous souhaitons montrer
comment l’outil est impliqué dans une relation de pouvoir qui permet à ceux qui suggèrent son utilisation de définir comment l’action sociale doit être menée et plus généralement de structurer un secteur d’activité. Les associations ont besoin d’évoluer pour faire face au changement de leur environnement. Elles doivent renforcer leur identité pour assurer un développement en cohérence avec leur projet associatif.

Pauline BOISSELIER
Groupe de Recherche en Management (UPR 4711)

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